19 décembre 2016
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Certes le vieillissement engendre inévitablement diverses détériorations physiques plus ou moins prononcées qui rendent beaucoup plus difficile l’accomplissement des activités quotidiennes. Vouloir faciliter la marche d’une personne qui souffre des jambes et lui permettre alors de conserver l’autonomie indispensable à ses déplacements quotidiens, ou redonner le plaisir de manger à une autre qui rencontre des problèmes de mastication ou de déglutition durant ses repas en lui évitant ainsi de sombrer dans un état de dénutrition qui s’accompagne souvent d’une dépression, est donc une démarche louable. Faut-il pour autant créer un marché spécifique à grands renforts de communication comme on l’observe depuis quelques années avec l’émergence, empreinte d’opportunisme, de la fameuse « Silver économie » autour de laquelle sont venus s’agglutiner toute une faune supposément prête à satisfaire ceux et celles que l’on a rapidement estampillé « seniors », cette étiquette « marketing » étant évidemment plus « propre », plus « tendance ».
Il y a encore quelques années, rares étaient les industriels à s’intéresser véritablement au devenir des personnes âgées, d’autant plus que le montant de la retraite de l’immense majorité de cette population restait peu élevé. Mais les enfants du baby boom étant aujourd’hui de plus en plus nombreux à entrer dans cette catégorie des retraités, qui plus est disposant de moyens financiers relativement plus importants pour un certain nombre d’entre eux, ce qui en fait une cible particulièrement intéressante aux yeux de tous ceux, soudainement très nombreux, qui ont quelque chose à leur vendre, les éléments disparates d’une « économie des cheveux blancs » se sont donc mis en place à marche forcée. Que voulez-vous, les « vieux », ou plutôt les « seniors » en langage châtié pour la communication, sont désormais « porteurs », puisque source potentielle de profits juteux à souhait.
En deux temps trois mouvements, associations, salons, colloques, congrès et événements divers et variés ont donc vu le jour, les marchands du temple étant toujours là, prêts à se jeter sur tout ce qui censé permettre de faire de l’argent rapidement. Alors bien sûr, dans ce brouet infâme qui a vu le jour, il y a forcément des gens sérieux, des chercheurs notamment, mais aussi des entrepreneurs, qui souhaitent mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les personnes âgées afin d’envisager des solutions qui permettent de répondre plus efficacement à leurs besoins. En revanche, face à la solitude que connaissent de très nombreuses personnes âgées, le robot comme « compagnon », solution que certains « techno-intoxiqués » en mal d’imagination tentent de nous refourguer, est-elle franchement souhaitable ? Dans une société où chacun de nous doit être performant à 200%, les vieux encombrent, c’est une évidence. Confions-les donc à des robots. Tel semble être le message, évidemment formulé de façon moins triviale, plus policée, qui émerge depuis quelques années.
Aussi serait-il souhaitable que les citoyens que nous sommes, et non les consommateurs qu’il plairait à certains qu’uniquement nous soyons, se fassent plus critiques face à cette émergence de la Silver Economie qui, malgré tous les bons sentiments dont elle se targue, n’en est pas moins une formidable machine à cash en gestation, du moins dans l’esprit de certains de ses initiateurs et zélateurs. Avant de penser, comme trop souvent, solutions technologiques, peut-être serait-il temps de réfléchir à la place des personnes âgées dans notre société même s’il s’agit évidemment d’un tout autre défi, bien plus difficile à relever, que la mise au point d’un robot multifonctions destiné à faciliter la vie de chaque senior ou d’une énième solution numérique pour surveiller son intégrité physique, du moins l’intégrité physique de ceux dont la retraite permettra de s’offrir ces futurs services coûteux. Méfions-nous que la technologie, tant vantée et admirée, essentiellement du fait que l’immense majorité des utilisateurs n’y comprend rien et se contente, l’air béat, de pousser des boutons, ne finisse par devenir une pathologie majeure de notre société.■
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