C’est pour essayer d’apporter des réponses à cette question que Sophie Layé est entrée à l’Inra en 2003. « Neurobiologiste de formation, j’ai pu alors développer un nouveau projet de recherche dont l’objectif était de comprendre comment la nutrition peut influencer le fonctionnement cérébral », explique-t-elle. Et pour commencer, elle s’est intéressée aux acides gras polyinsaturés (AGPI). Rappelons que ces constituants des lipides jouent de nombreux rôle notamment dans la construction et le maintien des cellules, la synthèse des hormones, la structuration du système immunitaire ou encore la pression artérielle. Si un organisme synthétise la plupart d’entre eux, deux de ces acides gras polyinsaturés doivent être obligatoirement apportés par l’alimentation, les Oméga 6, présents dans certaines huiles et des volailles grasses, et les Oméga 3 que l’on trouve aussi dans différentes huiles et les poissons gras. Or c’est pendant la gestation et la période d’allaitement que la mère va apporter les Oméga 3 nécessaires au développement de son enfant et plus particulièrement de son cerveau. « Le cerveau est le deuxième organe le plus riche en Oméga 3 », souligne cette directrice de recherche à l’Inra.

Au fil des années, plusieurs chercheurs ont progressivement rejoint Sophie Layé, formant ainsi une équipe qui s’est alors intéressée à d’autres sujets. « Nous voulions comprendre par exemple comment les états d’obésité ou de troubles métaboliques pouvaient influencer le cerveau et conduire au développement de pathologies neuropsychiatriques comme la dépression et les troubles de la cognition », indique-t-elle. Mais pour cette scientifique et ses collaborateurs il s’agissait aussi de voir si des remaniements nutritionnels pouvaient permettre à terme de corriger ces troubles. Des sujets abordés dans le cadre de recherches translationnelles qui permettent d’associer recherches fondamentales et cliniques et de créer des ponts entre les deux. Des travaux grâce auxquels ces chercheurs ont pu obtenir un certain nombre de données chez l’homme montrant des relations entre le statut nutritionnel et l’émergence d’altérations de certaines fonctions cérébrales, mais aussi de comprendre les mécanismes mis en jeu.

Ces développements ont conduit tout naturellement à la création, en 2011 du laboratoire NutriNeuro, une unité mixte de recherche de l’Inra et de l’Université de Bordeaux, que dirige Sophie Layé. Réunissant des chercheurs des deux disciplines que sont les neurosciences et la nutrition, ce qui est assez unique en France et dans le monde, cette unité a pu ainsi élargir son panel de questions scientifiques.  « Nous nous intéressons en particulier au vieillissement et cherchons à comprendre comment le parcours nutritionnel d’une personne permet de protéger son cerveau et, par conséquent, de bien vieillir ». Et les Oméga 3, mais aussi la vitamine A et les polyphénols sont au nombre de ces éléments nutritionnels qui protègent cet organe. Des recherches, menées à la fois chez l’homme et l’animal, qui font aujourd’hui l’objet d’essais cliniques chez des sujets âgés.

Fort de ces avancées dans ce domaine extrêmement prometteur, NutriNeuro a franchi une nouvelle étape en novembre dernier avec la création du Laboratoire International Associé (LIA) OptiNutriBrain par l’Université Laval du Québec, l’Université de Bordeaux et l’Inra. Co-dirigé par le professeur Frédéric Calon, chercheur à l’Institut sur la Nutrition et les Aliments Fonctionnels (INAF) de l’Université Laval et Sophie Layé, ce réseau international de recherche a pour mission d’étudier les effets de la nutrition sur la santé du cerveau. « C’est la possibilité pour nous de développer des projets de recherche internationaux, certes, mais aussi des essais cliniques bi-centriques à plus grande échelle », conclut Sophie Layé dont les travaux ont été récompensés fin 2015 par le Prix du Défi Scientifique dans le cadre des Lauriers de l’Inra.■