15 février 2016
Alain Bugat, l'un des fondateurs de NucAdvisor
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Pour beaucoup d’entre nous, le mot « start-up » évoque notamment une jeunesse qui innove, la société du numérique, voire évidemment la Silicon Valley. Mais que d’anciens patrons de l’industrie et de la recherche françaises décident à leur tour de créer une start-up, qui plus est dans le secteur du nucléaire, et nos référentiels s’en trouvent soudainement perturbés. C’est pourtant l’aventure dans laquelle se sont lancés ces hommes sous la houlette de Alain Bugat, ancien administrateur général du CEA et, aujourd’hui, président de l’Académie des Technologies, en créant NucAdvisor dès 2009. « A la tête du CEA, j’ai pu observer qu’il n’existait pas vraiment d’offre européenne spécialisée pour aider les pays émergents à développer leurs programmes nucléaires », constate Alain Bugat. D’où l’idée de créer l’outil manquant nécessaire à la France et à l’Europe pour que celles-ci puissent participer efficacement à la compétition internationale extrêmement rude qui règne dans ce secteur. Et pour asseoir sa crédibilité, la jeune entreprise s’est appuyée sur Ingérop, une société d’ingénierie française qui est entrée au capital.
Après s’être centrée sur une première activité d’assistance à maîtrise d’ouvrage, l’équipe de NucAdvisor a ouvert une seconde activité de conseil destinée à des acteurs déjà présents sur le marché du nucléaire. Et si les soubresauts du monde, avec en particulier le Printemps arabe et l’accident de Fukushima au Japon, ont momentanément ralenti son développement, aujourd’hui l’entreprise « fonctionne très bien avec des taux de croissance forts jusqu’à présent », précise Alain Bugat. Reste que le développement de cette entreprise implique désormais d’y injecter de l’argent. « Notre problème est que le nucléaire n’a pas vraiment bonne presse, y compris auprès de la BPI (Banque Publique d’Investissement) », explique-t-il. Pourtant, NucAdvisor s’est désormais fait un nom et dispose d’une crédibilité pour traiter de gros contrats. « Nous sommes en effet chef de file, avec trois grands partenaires, d’un consortium qui postule pour le contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage concernant la construction d’un réacteur de puissance en Jordanie », rappelle-t-il avec enthousiasme.
Bien placée en Afrique du Sud dans le cadre d’un programme qui doit être lancé, NucAdvisor tente également de pénétrer le marché en Turquie, « ce qui n’est pas facile ». Cette activité d’assistance à maîtrise d’ouvrage, l’entreprise française la développe aussi dans le domaine des réacteurs de recherche. « Après avoir assisté la Jordanie dans la construction de son réacteur de recherche, nous avons gagné un contrat pour la construction d’un réacteur de ce type en Hollande », annonce-t-il non sans une certaine fierté. Autant d’informations encourageantes qui n’empêchent pas pour autant Alain Bugat d’être parfois critique. « Pour de nombreux pays occidentaux, le nucléaire serait une industrie du passé. La position française sur ce secteur s’est effondrée suivant celle des autres pays européens, les Russes raflant la mise parce qu’ils amènent l’argent, alors qu’émergent les Chinois, et que Japonais, Coréens et même Américains, souvent associés, parviennent à tirer leur épingle du jeu ».
Une situation d’autant plus préoccupante selon lui que l’on voit émerger en France un désintérêt pour les secteurs de l’industrie traditionnelle au seul profit des technologies de l’information et des énergies renouvelables comme le solaire, alors que les Allemands, mais aussi les Américains, créent des emplois dans ces secteurs traditionnels. Raison de plus pour les fondateurs de NucAdvisor d’accroître le développement de l’entreprise et de gagner de nouveaux projets.■
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