23 avril 2016
Marcel Filoche, directeur de recherche au CNRS au sein du Laboratoire de Physique de la Matière Condensée (CNRS/Ecole Polytechnique).
© Marcel Filoche
Simulation 3D de l'administration de surfactant chez l'adulte. Vue en couleurs de la distribution de ce surfactant après huit générations. Le trait rouge représente la direction de la gravité. Le cas présenté montre une distribution finale déjà très hétérogène, et donc une très faible efficacité thérapeutique.
© M. Filoche/CNRS
Contact : Marcel Filoche
E-mail :
marcel.filoche@polytechnique.edu
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« Tant que je respire, j’espère, affirmaient les Romains », rappelle d’emblée le professeur Marcel Filoche, directeur de recherche au CNRS qui travaille au sein du Laboratoire de Physique de la Matière Condensée (1). Sous son apparente simplicité, la respiration est pourtant d’une très grande complexité. Et pour mieux la comprendre, il faut descendre dans les bronches et les bronchioles d’un poumon et pénétrer à l’intérieur d’une alvéole pulmonaire, là où s’effectue le transfert de l’oxygène et du gaz carbonique entre l’air et le sang. « Nous en avons quelque 500 millions qui représentent environ 100 m2 de surface d’échange », précise Marcel Filoche dont les travaux, au sein de l’équipe qu’il dirige, visent à comprendre comment sont transportés gaz et fluides à l’intérieur du poumon et quelle en est l’intime mécanique
Les cellules qui constituent l’enveloppe interne de chacune de ces alvéoles, dont le diamètre est de ¼ de mm, ne sont pas en contact direct avec l’air. Il existe en effet un film d’eau qui les protège et à la surface duquel se trouve un surfactant. Ce dernier a pour rôle de réduire la tension de surface entre le liquide et l’air et permettre ainsi de gonfler et dégonfler en permanence les 100 m2 de surface d’échange de l’ensemble des alvéoles pulmonaires au cours du cycle respiratoire. En l’absence de surfactant, les poumons deviennent très rigides et, par conséquent, très difficile à gonfler et dégonfler. « C’est ce qu’on l’on observe chez les grands prématurés, ce surfactant n’étant produit par les cellules alvéolaires qu’environ 1 mois avant le terme », explique ce chercheur. Les médecins parlent alors d’un syndrome de détresse respiratoire du nouveau-né qui n’est pas si rare puisqu’il est présent dans 1% des naissances
Pour lutter contre ce syndrome, il existe une thérapie efficace qui a permis de diminuer considérablement le nombre de décès chez ces prématurés, ceux-ci étant passés de 5000 en 1980 à 1000 en 2005. Celle-ci consiste à injecter par voie intra-trachéale un surfactant de remplacement qui va traverser les voies aériennes avant d’aller tapisser l’intérieur des alvéoles pulmonaires. « Nous avons donc cherché à comprendre comment ce surfactant parvient à traverser toute cette géométrie complexe du poumon », indique Marcel Filoche. Une compréhension d’autant plus nécessaire que cette même solution, appliquée dans les années 1990-2000 à des patients adultes souffrant de détresse respiratoire, n’a conduit qu’à un bilan mitigé et à l’abandon de cette thérapie. Pourtant, dans le cas d’une détresse respiratoire, le surfactant, en raison de l’inflammation des alvéoles, se retrouve dilué et ne joue plus son rôle de barrière. D’où là encore un poumon qui se rigidifie et une mortalité de près de 40% des gens souffrant d’un syndrome de détresse respiratoire aigüe (SRDA).
En développant un modèle mathématique et numérique tridimensionnel du poumon, les chercheurs sont ainsi parvenus à comprendre comment ce surfactant se propage à l’intérieur de cet organe. Ils ont observé que son trajet va dépendre non seulement de ses propriétés physico-chimiques et de sa méthode d’administration mais aussi de la taille du patient. Autrement dit, injectez la même dose de surfactant, à un même débit, chez deux patients, l’un frêle et l’autre plus costaud, et vous obtiendrez des résultats totalement différents. « En couplant étroitement la médecine et l’ingénierie, on peut espérer parvenir dans un avenir proche à concevoir des traitements sur-mesure, dont il serait possible de régler finement tous les paramètres, et permettre ainsi de sauver des milliers de vies en relançant une voie thérapeutique jusqu’alors dans l’impasse », conclut Marcel Filoche.■
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23 avril 2016