3 février 2016
Hémostatique, elle est donc capable d’arrêter le saignement des tissus qui suturent difficilement. Biorésorbable, elle peut être laissée sans danger à l’intérieur du corps humain où elle se dégradera lentement. Lancée récemment sur le marché, cette compresse chirurgicale commercialisée par l’entreprise Sofradim Production, une filiale du Groupe Medtronic, est d’autant plus innovante qu’elle ne contient aucune trace de produit chimique. Car si sa fabrication par oxydation des tissus de cellulose nécessite habituellement l’utilisation de solvants, aujourd’hui ces derniers ont été remplacés par ce qu’on appelle le CO2 supercritique. Rappelons que dans sa phase dite « supercritique » (1), ce C02 présente l’avantage d’être un solvant totalement neutre, non toxique, non polluant et non inflammable.
Parfaite illustration de ce qu’est la chimie verte, aujourd’hui en plein développement, le CO2 supercritique est une technologie à laquelle l’équipe « supercritique » d’enseignants-chercheurs du Laboratoire de Génie Chimique de Toulouse (2) s’intéresse depuis 1997. « Cette importante activité, nous l’envisageons non pas sous l’angle de la chimie mais de l’ingénierie et de la mise en application dans les procédés », précise le professeur Jean-Stéphane Condoret. Et c’est ainsi qu’en 2005, en collaboration avec des chercheurs du CERMAV, qui est le Centre d’Etudes et de Recherches sur le Macromolécules Végétales de Grenoble, cette équipe toulousaine a mis au point un nouveau procédé d’oxydation de la cellulose basée sur l’utilisation du CO2 supercritique comme solvant.
Un brevet ayant été déposé, Sofradim Production en a acheté la licence l’année suivante, son objectif étant d’industrialiser le procédé pour fabriquer et commercialiser des compresses chirurgicales. Le partenariat mis en place entre cet industriel et les deux laboratoires, grenoblois et toulousain, a aboutit deux ans plus tard à la conception d’un pilote pré-industriel. « Une étape pas facile », se souvient Jean-Stéphane Condoret. « Il s’agissait en effet de maîtriser une réaction exothermique dans un réacteur sous haute pression. Qui plus est, l’hydrodynamique à l’intérieur de ce réacteur devait garantir l’homogénéité de l’oxydation pour chaque cm2 des rouleaux de tissu traités », explique-t-il avec enthousiasme. Résultat, l’année suivante ce pilote fut transféré au sein de l’usine de Sofradim Production, localisée à Trévoux.
Vont s’en suivre l’étape nécessaire d’homologation clinique des lots produits et les études de conception et de construction de la future unité industrielle, opérationnelle à l’automne 2014. Après avoir été proposée dans les blocs opératoires de quelques pays européens, la compresse hémostatique biorésorbable Veriset vient enfin d’être lancée sur le marché. « C’est un bel exemple d’une collaboration réussie entre la recherche académique et l’industrie qui s’est déroulée sur dix ans. La durée nécessaire pour faire éclore une innovation de rupture », estime Jean-Stéphane Condoret.■
(1) Tout corps pur possède un point critique qui correspond à une pression et une température donnée. Mais qu’il vienne à être soumis à une pression et à une température supérieures à celles de ce point critique et ce corps pur entrera alors dans une phase dite « supercritique » et présentera un comportement intermédiaire entre l’état liquide et l’état gazeux, avec des propriétés particulières.
(2) Le LGC est une Unité Mixte de Recherche (UMR) du CNRS, de l’INP de Toulouse et de l’Université Toulouse III Paul Sabatier.
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Le professeur Jean-Stéphane Condoret